La voiture électrique apparaît aujourd’hui inévitable. Elle pourrait faire bouger les lignes dans le monde automobile. Valeo compte bien être un de ceux qui en profiteront. L’équipementier français a créé fin 2016 avec Siemens une coentreprise dont le succès est énorme. « A fin février 2018, nous avions engrangé 10 milliards d’euros de commandes », se réjouit Xavier Dupont, directeur des systèmes de propulsion chez Valeo. Un succès rapide qui s’explique par le partenariat noué entre les deux industriels. Dans un véhicule, la haute tension (supérieure à 60 volts) est une activité très spécifique en raison des contraintes de sécurité qui sont très importantes. Siemens apporte à la coentreprise sa maîtrise des moteurs à haut voltage ; Valeo, sa connaissance du système d’électrification du véhicule, sa maîtrise de l’électronique de puissance, mais également son portefeuille clients dans le monde de l’automobile. « Nous aurions pu acquérir cette connaissance technologique seul, mais cela nous aurait pris beaucoup plus de temps. Or le temps était primordial pour gagner rapidement des parts de marché », détaille M. Dupont.
Le montant des commandes engrangées en à peine deux ans montre que la décision était judicieuse. La coentreprise est aujourd’hui détenue à parité par les deux partenaires, qui disposent chacun de trois sièges à son conseil d’administration. Valeo Siemens eAutomotive, c’est son nom, emploie aujourd’hui 1 600 personnes, dont une majorité d’ingénieurs. Il a fallu investir plusieurs centaines de millions d’euros pour développer toute une gamme de moteurs électriques. Désormais, il va falloir passer à la phase industrielle, avec la construction d’usines, notamment en Europe de l’Est et en Chine. La production devrait passer de 65 000 moteurs par an à 1,5 million d’ici à quatre ans. La coentreprise vise un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros en 2020, puis 2 milliards en 2022.
Ce succès s’explique par un changement dans l’environnement automobile. En Chine, les autorités ont décidé de pousser fortement l’électrique, avec des quotas obligatoires sous peine de sanctions. En Europe, les normes et les contraintes d’homologation ont été rendues plus sévères, nécessitant des ventes accrues de véhicules électriques. Un mouvement que la plupart des constructeurs, à l’exception de Renault ou BMW, n’avaient pas réellement vu venir. Ils ne disposent donc pas de ces compétences « électriques », que cela porte sur les batteries ou les moteurs. Pour tenir les programmes dans le véhicule électrique très ambitieux qu’ils ont annoncé, ils doivent faire appel à des prestataires extérieurs. Valeo et Siemens en profitent. « La moitié de nos commandes proviennent de Chine, et l’autre moitié d’Europe, principalement d’Allemagne », indique Xavier Dupont.
Ce nouveau métier pourrait changer le visage de Valeo, à terme. L’équipementier travaille désormais directement sur le groupe motopropulseur, ce qu’il ne faisait pas auparavant. Il va ainsi pouvoir augmenter son chiffre d’affaires par véhicule, même s’il n’ira jamais dans les batteries, un métier trop différent. Ce changement est facilité par une carte maîtresse dont dispose Valeo : une option qui lui permettra de racheter les participations de Siemens s’il le souhaite.
Source : FIGARO (18/6/18)Par Alexandra Frutos