Et si la filière automobile, qui amorce à peine son redémarrage, s’arrêtait net à cause de la faillite d’un ou deux acteurs clés ? « Dans les fournisseurs de deuxième ou troisième rang, il y a des gros risques de disparitions d’entreprise [à l’instar de Novares, placé en redressement judiciaire fin avril] », note Thomas Morel, spécialiste automobile chez Mac Kinsey. « En plasturgie, il y a déjà deux importantes entreprises en difficulté, une allemande, une française », renchérit un équipementier tricolore. La trésorerie des fournisseurs est « extrêmement tendue », relevait en avril une enquête de la Fiev, la fédération des équipementiers, réalisée auprès de 120 entreprises.
Les trois-quarts des sociétés interrogées avaient effectué des demandes de report des échéances sociales ou fiscales, et 70 % des remises d’impôts directs. Plus d’un tiers déclaraient avoir puisé dans leurs réserves, à hauteur « de 50 % à 75 % ». A la mi-avril, il leur restait 45 jours de trésorerie. Et ce n’est pas l’enquête de mai en cours qui devrait montrer une embellie. Quelque 60 % des membres de la Fiev ont dû recourir à des prêts garantis par l’Etat (PGE). « Je refais des plans de trésorerie toutes les semaines et mes budgets tous les mois », explique Christian Janson, président de Sedepa, fabricant d’accessoires pour PSA et Renault (5,4 millions de chiffre d’affaires en 2019), qui s’attend à un « résultat financier autour de zéro cette année ». M. Janson a obtenu un PGE de 300 000 euros. Delfingen, expert de la protection des câbles de véhicules, dont les 26 usines ont été fermées pendant deux mois, a demandé « deux prêts garantis par Bpifrance de 18 millions d’euros », indique pour sa part Christophe Clerc, vice-président en charge des finances.
Le problème de la filière automobile, c’est la complexité de sa chaîne logistique, à la merci d’une défaillance dans le monde. Le Groupe PSA compte 8 000 fournisseurs, et un équipementier majeur comme Plastic Omnium travaille avec 500 sous-traitants, rien qu’en France. « Il y a le plus souvent des solutions alternatives en cas de défaut d’un fournisseur, mais cela génère des délais qui perturbent et retardent les flux de production », souligne un constructeur français.
Source : CHALLENGES.FR (14/5/20)Par Alexandra Frutos