En 2015, les usines d’automobiles implantées en Europe vont atteindre un record quasi-historique, dépassé seulement en 2007. D’après le cabinet IHS, plus de 16 millions de voitures (hors utilitaires) vont sortir des chaînes de production européennes sur l’ensemble de l’année, en hausse de 6,6 %. « Nous sommes sur des plus hauts historiques. D’autant plus que le précédent record de 2007 était très particulier, avec une situation de surproduction par rapport à la demande réelle du marché, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », explique Denis Schemoul, analyste chez IHS.
Ce record est étonnant car, si les usines européennes profitent de la croissance des immatriculations de voitures neuves (+ 8,2 % sur les dix premiers mois de l’année) et de l’accroissement des capacités de certains acteurs asiatiques (Hyundai et petits acteurs japonais), le marché reste dans son ensemble inférieur de 20 % à ses niveaux d’avant-crise. Le décalage viendrait du poids croissant des exportations vers les marchés extra-européens. Près du quart des voitures assemblées en Europe (soit 3,8 millions d’unités) partent à l’étranger, dont 28 % aux Etats-Unis, 13,5 % en Chine, mais aussi en Turquie, en Russie, etc. En 2007, la proportion n’était que de 15,4 %. « Ces marchés ont suscité une forte demande sur le haut de gamme, notamment allemand », indique M. Schemoul.
Si les constructeurs localisent de plus en plus leur production à l’international pour échapper aux taxes douanières, les modèles de haut de gamme, aux volumes plus réduits, sont plus difficiles à industrialiser sur place de manière profitable. Les constructeurs ont donc alimenté la demande depuis leur base, d’autant que l’euro faible leur donne des marges de manœuvre. Dans le détail, 83 % de ces exportations proviennent des usines d’Europe de l’Ouest, et notamment d’Allemagne ou du Royaume-Uni (Jaguar, Land Rover, Mini, etc.), où sont majoritairement assemblés les modèles de haut de gamme. De quoi permettre à la production allemande de rester stable par rapport à 2007, et à celle du Royaume-Uni de retrouver son niveau d’avant-crise.
Ailleurs, le bilan est plus mitigé. Si l’Espagne, devenu le premier producteur des constructeurs généralistes, revient au niveau de 2007 grâce à une compétitivité retrouvée, la France reste largement décrochée (- 40 % par rapport à 2007, soit 1,5 million de voitures contre 2,5), tout comme l’Italie (- 28 %) malgré un rebond en 2015 grâce à l’attribution de modèles de la marque Jeep.
Les grands gagnants sont finalement les pays de l’Est. Certes, ceux-ci pèsent bien moins en matière d’exportations – 17 % des volumes -, mais ils bénéficient à plein de la reprise du marché européen. Modernes, disposant de coûts de main-d’oeuvre bon marché et situés en zone euro, ces sites représentent près du quart de la production européenne, contre moins de 16 % en 2007. Et la République tchèque pointe désormais à la 5ème place des pays producteurs et assemble deux fois plus de voitures que l’Italie.
La photographie d’ensemble doit donc être nuancée. D’autant qu’IHS s’attend à ce que le rythme d’exportations ralentisse du fait de la localisation accélérée des constructeurs à l’international et du ralentissement de certains marchés. In fine, les usines européennes sont encore surdimensionnées par rapport à la demande réelle. Elles ne tournent aujourd’hui qu’à 70 % de leurs capacités réelles, soulignent LES ECHOS (26/11/15).